Le vin et le train

Article : Le vin et le train
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13 mai 2016

Le vin et le train

Rouge MarcoMaru, via morguefile
Rouge MarcoMaru, via morguefile

 

Voila la troisième fois en un mois qu’on se retrouvait entre filles autour de quelques plaisirs de la vie. Ce soir c’était le tour de Ghislaine. Elle m’avait prévenu la veille de son intention de me surprendre particulièrement. La surprise fut de taille quand je vis tout ce somptueux rouge dégouliné de partout. De la nappe de table aux petites ampoules en rouge qui scintillaient merveilleusement.
J’ai toujours pensé que les soirées les plus joyeuses et les plus longues sont celles qui consacrent le rouge. Oui du rouge, ce rouge lumineux qui trône dans de bonnes bouteilles de vin vieux de plusieurs années et au goût fidèle à ces années. Ce rouge imposant d’une bonne viande de bœuf qui, malgré les quelques minutes passées à la poêle, résiste. Ce rouge piquant en faible quantité, mais efficace pour accompagner la viande. Et moi dans cette ambiance, je m’impatientais dans le canapé, parée d’une robe fleurie de pétales rouges et noir : mes deux couleurs préférées.

Quelques minutes plus tard, les discussions féminines fusaient de part et d’autre. Une nouvelle paire de chaussures révolutionnaire, un fiancé jaloux qui redoutait le mariage, une collègue au bureau qui imitait la princesse de Cambridge mais en était tout le contraire. La soirée se déroulait dans cette ambiance de rires et de cris joyeux, puis le temps vint de passer à table. Je réalisais assise, là, d’autant plus l’étendue de la générosité du repas. Filet de bœuf poêlé et pommes duchesse étaient au menu. Un repas succulent, tout se passait parfaitement bien. L’atmosphère plus que détendue, le vin qui faisait pétiller les yeux, les lèvres rougies par les épices.

Et puis, le moment le plus redouté de nous toutes approchait. On évitait de regarder nos montres, l’ambiance était trop bonne. Pourtant la fatigue, aidée du vin, s’imposait et s’affichait. Les yeux pesaient, les bouches s’entrouvraient régulièrement pour bâiller. Il fallait partir.

Dans un mouvement de désespoir je pris mon sac et pris congé de Ghislaine. Une petite voix me disait de consulter les prochains horaires de passage de mon train le RER D. Mais une autre me disait qu’à 23h passées je n’avais rien à perdre à m’y rendre sans vérification. Ce que je fis.  Ghislaine était à cinq minutes à pied de la gare de Lyon mais je pris dix minutes pour faire le trajet. J’étais joyeusement rassasié et rien ne pouvait me contrarier. Ni la fraîcheur intimidante de cette nuit, ni le bruit du silence.

J’arrivais sur le quai du RER D avec cette bonne humeur, mais elle se refroidit aussitôt. Les trains ne desservaient pas ma station à partir de la gare de Lyon.  Je crus un moment avoir mal lu sur le tableau d’affichage, je pris la peine de relire encore mais c’était bien le même message. La bonne nouvelle, c’est que j’avais plusieurs options : prendre un taxi, prendre l’autocar de remplacement ou prendre le train pour trois stations plus loin de la mienne et revenir chez moi avec un autre dans le sens inverse. J’avais trop mangé et choisis la troisième option, car je ne voulais plus faire l’effort de chercher un taxi et encore moins de prendre la sortie numéro 6 pour prendre l’autocar. Pour me conforter dans ma paresse, l’écran du tableau d’affichage marquait « train à l’approche »

Tout se passait bien jusqu’à ma première destination, même si je venais de faire plus de vingt minutes pour ce premier trajet. Finalement arrivée à ma première destination, je vis qu’il fallait que j’attende encore trente minutes pour reprendre le train dans le sens inverse.

Alors sur le quai, ma capuche de doudoune sur la tête, je comptais les minutes comme dans l’attente du dernier jugement.  J’avais froid, je n’avais même plus la force de soupirer. Le vent glacial de minuit avait congelé aussi bien mes sentiments que mes émotions.  J’étais comme brisée, privée de quelque chose.  Je me voyais dans mon lit normalement à cette heure.
Je me rappelais encore de ma joie quand, en ce mois de novembre, dans mon déménagement, je me voyais tout proche de la gare de Lyon… oui, à une seule station de la gare de Lyon, je le disais fièrement aux gens. Le RER, le métro pas loin, des bus un peu partout… Pourtant ce soir aucun d’entre eux ne répondait comme je voulais. Certains soir,  tout semble être contre vous, mais l’expérience de ces situations imprévisibles m’ont toujours prouvé le contraire…
Quand tout semble noir pour toi, c’est aussi le bonheur… le bonheur de ne rien comprendre.

Froid mconnors  , via morguefile
Froid mconnors , via morguefile
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Commentaires

Julien
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ouaouuu!!! Impressionné. J'aime bien la fin

Beauty
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merci Julien

Fabien
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J'aime ton histoire. Au début tu m'a fait tellement salivé. Lol

Beauty
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Hahahahahaha c est tant mieux

Fluxey
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Capturer su debut a la fin.
Je prendrai volontier un autre verre de Le vin et le train

John
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Beau texte! J'avoue qu'à un moment il a fallu trouver un peu de vin pour poursuivre la lecture.

Beauty
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Hahahaha je t'en apporterai prochainement.